- CATACOMBES (topographie)
- CATACOMBES (topographie)Les catacombes, terme qui évoque d’emblée la communauté chrétienne primitive de Rome et ses martyrs, sont parmi les témoignages archéologiques les plus complets, les plus concrets et les plus suggestifs qui nous soient parvenus du monde occidental antique. À trois exceptions près – celle de Saint-Sébastien sur la voie Appienne, celle de Saint-Laurent-hors-les-Murs, sur la voie Tiburtine, et celle de Saint-Pancrace, sur la voie Aurélienne –, les catacombes romaines, tombées dans l’oubli et devenues inaccessibles au IXe siècle, ne furent redécouvertes et étudiées qu’à partir du XVIe siècle. Jusqu’au XIXe siècle, on considérait que les catacombes, avec leurs vastes réseaux souterrains de galeries, avaient été le refuge des premiers chrétiens et qu’ils y avaient été persécutés. Il est désormais établi que cette théorie est sans fondement.Origine et nature des catacombesDans leur forme initiale, durant la première moitié du IIIe siècle après J.-C., les catacombes se présentent sous la forme d’hypogées formés d’un nombre limité de galeries (de quelques mètres à quelques dizaines de mètres). Elles sont alors aussi bien païennes que chrétiennes ou juives. Ces hypogées remplacent les sépultures en surface (mausolées et colombaires) à un moment où l’espace disponible commence à faire défaut le long des principales voies consulaires autour de Rome, où se trouvaient traditionnellement les nécropoles.À partir de la seconde moitié du IIIe siècle, mais surtout durant les IVe et Ve siècles, se développent les grandes catacombes de Rome. Il s’agit d’un phénomène spécifiquement chrétien, même si les grandes catacombes juives de la même époque présentent des caractéristiques communes, les différences étant liées surtout à la typologie des sépultures.La transformation des catacombes romaines en réseaux très étendus est liée aux pratiques funéraires de la capitale de l’Empire. Le modèle dont elles s’inspirent, plus que dans les tombes étrusques auxquelles on les a parfois associées, doit être recherché dans certaines formes d’hypogées utilisées dans le monde hellénistique oriental, sans solution de continuité jusqu’à la fin de l’Antiquité. À Rome naîtra une «mode» chrétienne de sépultures en hypogées plus ou moins développés, qui sera suivie en Italie (où sont surtout connues les catacombes de Naples et de Syracuse), à Malte, en Afrique du Nord et dans quelques autres endroits isolés.À Rome, les catacombes les plus nombreuses et les plus vastes furent naturellement creusées là où les nécropoles païennes étaient les plus denses, à savoir tout autour de la voie Appienne jusqu’à la voie Ardéatine. C’est là qu’on a découvert le plus ancien témoignage d’un cimetière chrétien géré par la hiérarchie ecclésiastique. Le pape Zéphyrin (199-217) en avait confié l’administration au premier de ses diacres, Calixte (qui donna son nom à la catacombe). Le complexe du cimetière de Calixte est – avec celui, voisin, de Domitille, sur la voie Ardéatine – le plus étendu de la Rome chrétienne. Sur la voie Appienne se trouvent plusieurs petits hypogées privés, ainsi que deux autres grandes catacombes chrétiennes, celle de Saint-Sébastien et celle de Prétextat. En face, le long d’un diverticule de la voie Appienne (l’actuelle voie Appia Pignatelli), se trouve la catacombe juive de Vigna Randanini, elle aussi très étendue.Les premiers hypogées, et par la suite les grandes catacombes, se développèrent en fonction des limites de propriétés juridiquement établies et consacrées selon le droit funéraire romain. Les fossoyeurs (fossores ), qui devinrent un corps spécialisé au IVe siècle, étaient chargés du creusement et de l’entretien des catacombes. On accédait à celles-ci par des escaliers étroits aménagés depuis la surface du sol jusqu’à la couche de tuf volcanique la plus résistante, apte à accueillir les galeries funéraires. Le long des parois, la sépulture la plus courante était le loculus , simple cavité destinée à recevoir un ou deux défunts, rarement plus. L’arcosolium , tombe surmontée d’un arc, était en général recouvert d’un enduit, souvent orné de peintures, plus rarement de mosaïques. Enfin, les sépultures les plus riches étaient les chambres funéraires, les cubicula , habituellement à caractère familial. Plusieurs d’entre eux demeurèrent sans enduit ni décor. Un grand nombre cependant, aux formes architecturales parfois élaborées (sculptées directement dans le tuf), furent décorés sur leurs parois et leurs voûtes de peintures plus ou moins soignées. Ils contenaient en général des arcosolia , plus rarement des loculi . Les sarcophages, surtout utilisés dans les mausolées en surface, demeurent des exceptions dans les catacombes.De l’empereur Constantin au pape Damase (306-384)C’est avec la «paix de l’Église», la reconnaissance officielle du christianisme par l’empereur Constantin et la conversion en masse des habitants de la ville que les catacombes chrétiennes vont connaître un développement étonnant. Avec la paix de l’Église s’est également développé le culte des martyrs, lié surtout aux deux dernières persécutions (celle de Dèce et Valérien, au milieu du IIIe siècle, et celle de Dioclétien au début du IVe siècle). Dans un premier temps, ce culte s’est manifesté par des aménagements sommaires permettant de prier auprès des tombes des martyrs, et par la multiplication des sépultures autour de ces tombes. C’est ainsi que naissent les réseaux retro sanctos (derrière les saints), ou apud sanctos (auprès des saints), zones denses de galeries qui sont à l’origine de l’extension impressionnante des catacombes aux IVe et Ve siècles. Les galeries des retro sanctos délimitent des zones autour des tombes vénérées, au même niveau que celles-ci ou superposées sur plusieurs niveaux: jusqu’à cinq dans la catacombe de Saint-Calixte.À son avènement, en 366, le pape Damase entreprit un recensement précis des tombes des martyrs romains, qu’il poursuivit durant tout son pontificat (jusqu’en 384). Il créa systématiquement des sanctuaires souterrains pour mettre en valeur ces tombes et permettre aux pèlerins de les vénérer. Il rédigea pour chacun des martyrs un épigramme plus ou moins long résumant son histoire. Ces textes furent gravés en caractères magnifiques sur de grandes dalles de marbre fixées sur les tombes, par le calligraphe officiel du pape, Furius Dyonisius Philocalus, qui a lui-même signé plusieurs de ces textes.La fin des catacombes-cimetières (Ve s.)Alors que le culte des martyrs se développe, ce sont surtout les plus pauvres qui sont ensevelis dans les galeries des catacombes dont le réseau continue à augmenter. Les citoyens les plus aisés choisissent souvent de reprendre la tradition des mausolées aux formes architecturales élaborées, édifiés au-dessus des catacombes et à proximité des sanctuaires des martyrs les plus célèbres. Nombreux aussi sont ceux qui décident d’être ensevelis au-dessous du sol des sanctuaires ou dans des sépultures anonymes nées de la récupération d’espaces de fortune dans les zones souterraines déjà saturées, autour des tombes des martyrs.Les sanctuaires des martyrs (VIe-IXe s.)C’est vers la fin du Ve siècle que prend fin la pratique de l’ensevelissement dans les catacombes. À cette époque, les lieux de sépulture traditionnels, nettement séparés de l’habitat, sont abandonnés et on commence à créer de petits cimetières à l’intérieur de la ville. Les communications entre les galeries et les sanctuaires souterrains sont en général condamnées. Plusieurs sanctuaires se transforment alors en basiliques de dimensions plus ou moins importantes. Rome devient un centre de pèlerinage très fréquenté: on vient de toute l’Europe pour se recueillir sur les tombes des martyrs, le long de toutes les voies consulaires. C’est grâce aux petits guides que possédaient les pèlerins du haut Moyen Âge qu’on a pu identifier un grand nombre de catacombes et qu’ont pu parvenir jusqu’à nous plusieurs textes anciens, dont les épigrammes du pape Damase. Nous n’en possédons aujourd’hui que quelques fragments découverts durant les fouilles.Les sanctuaires souterrains des catacombes furent entretenus et visités par les pèlerins jusqu’au milieu du IXe siècle, époque à laquelle les reliques des martyrs furent transférées à l’intérieur de la ville. Ces monuments furent oubliés et lentement comblés par les terres avant d’être redécouverts par les archéologues.Les principales catacombes de RomeParmi les soixante catacombes jusqu’ici redécouvertes à Rome, quelques-unes comptent parmi les plus importantes pour la connaissance de la société urbaine et de la communauté chrétienne aux IIIe et IVe siècles. C’est, comme on l’a vu, à la zone hors les murs de la voie Appienne qu’appartiennent les catacombes qui accueillirent le plus grand nombre de défunts. Celle de Saint-Calixte est la première que l’on rencontre sur la voie Appienne en sortant de la ville. C’est là que furent enterrés seize des papes des IIIe et IVe siècles, en différents endroits du complexe cémétérial, mais surtout dans la crypte des Papes qui en constitue le cœur.Après Saint-Calixte, le long de la voie Appienne, vient la catacombe de Saint-Sébastien où furent vénérés, à partir du milieu du IIIe siècle, les apôtres Pierre et Paul, probablement autour de reliques de leurs corps transportées ici depuis leurs tombes du Vatican et de la voie d’Ostie.À proximité de Saint-Calixte, le long de la voie Ardéatine, se trouve la catacombe de Domitille: deuxième cimetière chrétien de Rome, elle permet de comprendre, mieux qu’ailleurs, la genèse et le développement d’un vaste réseau souterrain homogène de galeries (près de quinze kilomètres), à partir de sept hypogées distincts, nés au IIIe siècle.La dernière catacombe découverte à Rome, en 1956, est située sur la voie Latine. Ce petit cimetière privé, richement orné de peintures, constitue le vestige le plus complet de l’art chrétien du IVe siècle.La catacombe des saints Marcellin et Pierre, creusée dans une propriété impériale et au-dessus de laquelle Hélène, mère de l’empereur Constantin, avait fait construire son mausolée, se situe sur la voie Labicane. La richesse des peintures de cette catacombe en fait l’une des plus importantes de Rome pour la connaissance de l’iconographie chrétienne des IIIe et IVe siècles.La catacombe la plus célèbre de la voie Tiburtine est celle qui était dédiée au martyr Laurent, persécuté durant le règne de l’empereur Valérien (253-260). Seules quelques galeries sont encore visibles, l’ensemble du réseau souterrain ayant été détruit par la réalisation du cimetière monumental moderne de Rome.Sur la voie Nomentane se trouve la catacombe de Sainte-Agnès, au-dessus de laquelle Constantine, la fille de Constantin, avait fait ériger son mausolée.Il faut aussi signaler la catacombe de Priscille, sur la voie Salarienne, où étaient vénérés plusieurs martyrs et où furent enterrés des papes du IVe siècle.Enfin, on doit également mentionner la catacombe dite de Calepode, sur la voie Aurélienne, où ont été découverts les restes de la tombe du pape Calixte, qui fut le premier organisateur des cimetières chrétiens de Rome avant d’accéder au trône de Pierre, en 217, puis de mourir martyr en 223.
Encyclopédie Universelle. 2012.